Vous pouvez trouver un article dans la suite de cette note paru ce jour dans le figaro.
Contre la haine, la République
«La Haine». En 1995, le film de Mathieu Kassowitz avait ému les esprits. La vie dans les cités pouvait-elle vraiment ressembler à cet enfer de drogue, de fric, de sexe et de violence ? Caricature ! avaient alors protesté quelques-uns. Sur le générique de fin, le cinéaste répondait à ces docteurs tant-mieux en citant l'apologue bien connu de l'homme qui tombe du vingtième étage d'un immeuble et qui, tout le temps que dure sa chute, se rassure : «Jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien...»
La Haine, nous y sommes. Le choc, il a eu lieu. Hier, un autre homme est mort. Un retraité, dont le seul crime est de s'être trouvé, vendredi, à Stains, sur le chemin des casseurs. Et d'avoir répondu qu'il s'inquiétait pour sa voiture, à une petite crapule encapuchonnée. Désormais, la France a peur. Peur d'une escalade insurrectionnelle que rien, depuis douze jours, n'a pu désamorcer.
Extension géographique : les émeutes touchent désormais des villes «sans histoire». Contagion sociologique : les voyous «professionnels» sont rejoints par des filles et des enfants de dix ans. Montée aux extrêmes : des coups de feu sont tirés depuis les rangs des émeutiers, dont la rage ne vise plus seulement les véhicules et les abribus, mais aussi les écoles, les mairies, les administrations, les entreprises et même les églises. Comme si les enfants de l'immigration avaient choisi de s'en prendre à tout ce qui ressemble de près ou de loin aux institutions d'un pays qui ne serait pas le leur. Comme s'ils voulaient supprimer par le feu les derniers lieux collectifs qui, dans des quartiers ravagés par la montée des particularismes ethniques, symbolisent encore la possibilité d'un fragile «vivre ensemble».
En annonçant que le Conseil des ministres autoriserait aujourd'hui les préfets à décréter le couvre-feu «là où ils l'estiment nécessaire» Dominique de Villepin a fait entendre que le gouvernement avait pris la mesure de la gravité de la situation : décidé à l'origine pour répondre aux événements d'Algérie, le couvre-feu, dans un cadre juridique un peu différent, a montré son efficacité en province contre les «étés chauds». Villepin fait donc droit à cette demande exprimée par de nombreux maires, de droite comme de gauche. Il n'écarte pas pour autant le recours à l'armée, si la mobilisation des réservistes de la police et de la gendarmerie ne suffisait pas. Après quelques jours où le pouvoir, à l'unisson de la société française, a paru comme sidéré par l'irruption de la violence, cette réaffirmation du principe d'autorité vient à son heure. Tout comme ces mesures de bon sens que sont la multiplication des bourses au mérite, la création d'«internats d'excellence» et, surtout, l'apprentissage dès 14 ans, au lieu de 16, pour les enfants en difficulté.
Ce fut dit, et bien dit : l'Etat ne se contentera pas d'attendre de la lassitude des émeutiers, du bon vouloir des caïds de la drogue ou de la mansuétude des imams la fin d'une violence «inacceptable et inexcusable». Maintenant que les plus hautes autorités de la République ont parlé, l'action s'impose. Il est temps que la loi de la haine recule devant celle de la République.
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