Dans Valeurs actuelles du 24 novembre, Christine Clerc consacre un article à Bernadette Chirac.
Je trouve que l'épouse du Président de la République est remarquable et exceptionnelle par son caractère, sa personnalité, son engagement humain et politique, son action publique et son militantisme.
Autant Jacques Chirac est respecté dans le Monde, autant son épouse est un modèle qui a même suscité l'intérêt d'une autre femme politique qui compte bein peser politiquement dans de prochains mois : Hillary Clinton !
Merci Bernadette pour ce que vous faites et pour ce que vous êtes.
Chistine Clerc dans valeurs actuelles :
La dernière amoureuse par Christine Clerc | |
J’en avais assez d’entendre dire que mon mari était vieux et fatigué et qu’il ne servait plus à rien ! Quand je vois tout ce qu’il fait pour la France ! » C’était l’autre vendredi, salle Pleyel. Mme Chirac venait d’assister au concert de gala donné par les huit derniers lauréats, pianistes et violonistes, du concours international Long-Thibaud. Au pied du grand escalier, on se pressait pour la féliciter de sa récente interview au Nouvel Observateur laissant entendre que Jacques Chirac pourrait se présenter pour un troisième mandat à l’Élysée. « Je ne lui ai pas demandé sa permission, précisait-elle, pour m’exprimer sur ce sujet. Et il ne me demandera pas la mienne ! C’est lui qui prendra, seul, sa décision. Mais il me trouvera à son côté, comme toujours, pour se battre ! » Bernadette la combattante. « Nous, les Chirac, aime-t-elle rappeler, sommes des guerriers. » Elle le disait il y a deux ans quand le président venait, un 14 juillet, de lancer à l’intention de son insolent rival, Nicolas Sarkozy, son fameux « Je décide et il exécute. » Elle le répétait, l’été suivant, quand le ministre de l’Intérieur, donnant à son tour une réception dans les jardins de la place Beauvau pour la fête nationale, déclarait qu’il ne se contenterait pas, lui, comme Louis XVI, de faire de la serrurerie. Traiter ainsi le président ! Un propre membre du gouvernement nommé par lui ! En politique avisée, songeant toujours à l’avenir, Mme Chirac n’avait cessé, pourtant, depuis 2002, de renouer les fils brisés d’une relation familiale passée avec celui qu’elle appelle encore « le poulain de mon mari » : elle invitait Sarkozy à prendre le thé au palais présidentiel et lui murmurait – assez fort pour que toute la France l’entende – lors d’un meeting de campagne régionale en Corrèze : « Heureusement qu’on vous a ! » Pour son mari, elle était prête à pardonner les offenses passées. Mais les offenses au président de la République, les tentatives pour le déstabiliser, le salir, l’empêcher de sortir digne et droit de son Palais, jamais elle ne les laisserait passer. À la mi-octobre, à l’issue d’une cérémonie de remise de décorations dans la salle des fêtes de l’Élysée, Bernadette Chirac livrait quelques commentaires sur les candidats à la candidature socialiste. Dominique Strauss-Kahn, feignait-elle de s’interroger, n’est-ce pas lui qui déclarait en 2002 qu’il irait voter pour Chirac à contrecœur et non sans avoir « enfilé des gants en caoutchouc pour ne pas se salir les mains » ? « Nous ne sommes pas des ordures, tout de même ! » s’indignait-elle. Et Ségolène Royal ? Depuis des années, Mme Chirac s’intéresse au cas de la présidente de la région Poitou-Charentes. Celle-ci n’a-t-elle pas, comme elle, exprimé dans un premier temps son hostilité au mariage homo, combattu la violence et la pornographie à la télévision et manifesté sa sympathie envers les grands-parents oubliés ? « C’est une candidate sérieuse, observait-elle il y a quelques semaines. Elle peut même gagner. » Et d’ajouter, avec son regard insistant de pythie : « Le temps des femmes est venu. À l’avenir, il y aura de plus en plus de femmes pour commander les hommes. C’est bien embêtant pour eux, mais c’est ainsi. » Féministe, Bernadette Chirac ? Longtemps, on ne l’a vue qu’en femme soumise et douloureuse. Quand Jacques Chirac commence, en 1966, à sillonner les routes de Corrèze pour « bouter les socialo-communistes hors du Sud-Ouest rouge », elle prend le train de nuit pour débarquer à 4 heures du matin à Tulle, souvent avec sa cadette Claude, 4 ans, sous le bras. Ou bien elle descend par la route, au volant de sa petite voiture, en écoutant des cassettes de Mozart pour se tenir éveillée. En Corrèze, elle rend visite aux malades et aux retraités, s’assied à la table revêtue de toile cirée des fermiers, s’informe de la santé de leur mère et parle de son mari. On la trouve « pas fière ». Bientôt, elle sera élue conseillère municipale de Sarran et conseillère générale du canton. Trente ans plus tard, la voici à l’Élysée. L’épouse du président ne figure même pas dans l’organigramme du palais présidentiel où sa fille Claude est inscrite comme conseillère pour la communication et l’opinion. « Je ne suis personne », soupire-t-elle avec un fatalisme douloureux. Et puis, soudain, au printemps 2001, c’est la consécration. Du Havre à Toulon en passant par Marseille, les maires de droite et du centre candidats à leur réélection s’arrachent Bernadette : ils ne veulent qu’elle à leurs côtés. Les municipales passées, on lui propose de se faire élire sénatrice. De grands élus de droite, comme le sénateur-maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, vantent son sens politique, ainsi que son attachement à la religion catholique et ses ascendances gaullistes, qui font merveille auprès d’un électorat parfois déboussolé par les postures tiers-mondistes de gauche de son président de mari. Il lui faudra encore attendre, pourtant, jusqu’au 21 avril 2002 pour entendre Jacques Chirac lui rendre hommage devant ses lieutenants réunis ce soir-là à son QG : « Eh bien, je dois dire que Bernadette a été la seule à prévoir, il y a quelques semaines déjà, ce résultat de Le Pen. » “Bientôt, on élira une femme à l’Élysée” Désormais, l’épouse raillée par les Guignols de l’info est saluée avec un respect nouveau. On reconnaît son poids politique. On salue « l’idée de génie » de son opération Pièces jaunes. Les télévisions viennent du monde entier filmer La Maison de Solenn, un centre de soins pour adolescents anorexiques ou boulimiques, inaugurée à l’automne 2004, boulevard de Port-Royal à Paris. Et surtout, surtout, son mari la veut davantage auprès de lui. Il ne se contente plus de l’appeler dix fois par jour au téléphone. En visite avec elle en Arménie, il fait avancer Bernadette de quelques pas afin qu’elle se trouve à son côté lorsqu’il dépose une couronne de fleurs et se recueille devant le monument à la mémoire des victimes du génocide. Quelques jours plus tard, de retour à l’Élysée, le président accueille les participants à la cérémonie de remise de légions d’honneur d’un « Je suis heureux de vous recevoir avec ma femme ». Après cinquante ans de mariage, Bernadette s’épanouit. Souvent encore, la lecture d’un livre attaquant son mari et dévaluant sa fonction la fait bondir. L’évocation de la maladie de leur fille aînée, Laurence, fait passer dans ses yeux une infinie tristesse. Mais quand elle reçoit dans la salle des fêtes de l’Élysée aux côtés du président, quand elle participe à une fête, quand elle repart sur le terrain, elle lâche, avec un sourire de défi : « J’aime cette vie ! » Son visage s’illumine et l’on croit entendre : “J’aime le pouvoir !” Parfois aussi – c’est sa nouvelle formule favorite – elle ajoute, en guettant la réaction de son interlocuteur : « J’y suis, j’y reste ! » Aurait-elle rêvé, comme son amie Hillary Clinton, dont elle souhaite l’entrée à la Maison-Blanche en 2008, de se porter candidate elle-même à la présidence ? Dans une autre vie, assurément. S’il ne tenait qu’à elle, confie-t-elle d’ailleurs, les investitures de l’UMP aux prochaines législatives seraient « moitié-moitié » pour les femmes. Même chose au gouvernement. Comme toutes les femmes qui, constate-t-elle, « ont dû se battre et ne doivent leur place qu’à elle-même », Bernadette Chirac est donc, à sa façon, une féministe. « Bientôt, prédisait-elle au début de l’année avant de militer pour un troisième mandat de son mari, on élira une femme à l’Élysée. » En attendant, son seul objectif est de voir reconnaître enfin le rôle joué par Jacques Chirac : sur la scène internationale, pour maintenir de périlleux équilibres. Et en France, pour incarner une fragile unité. C’est pour cela que, à la veille du soixante-quatorzième anniversaire de son mari, elle tente d’allumer des contre-feux. Pour cela, elle se dit prête à repartir demain en campagne électorale. « Première groupie de son mari, constate, admiratif, un conseiller de l’Élysée, elle sera aussi la dernière, l’éternelle grande amoureuse de Jacques Chirac. » À paraître Tigres et tigresses : histoire intime des couples présidentiels sous la Ve République Christine Clerc, Plon, 492 pages, 21,50 e. En librairie le 7 décembre. | |
Christine Clerc |
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