Ce matin se déroulait comme partout en France les cérémonies commémoratives des victimes de la déportation et de la résistance.
En présence de Monsieur le Sous-Préfet Thierry Baron, de nombreux élus de Montereau et communes environnantes et de nombreux concitoyens, j'ai eu l'honneur de suppléer monsieur le Maire.
Après les dépôts de gerbes et la lecture du message officiel, j'ai conclu mon discours en chantant le chant des partisans.
Je vous livre ci-dessous mon allocution :
"Sitôt arrivés au pouvoir en janvier 1933, Adolf Hitler et les nazis créent les premiers camps en Allemagne.
Dachau est ainsi ouvert le 21 mars 1933. Au commencement, Y sont internés des allemands, notamment des opposants au régime mais aussi des "asociaux" et tous ceux qui n'entrent pas dans les normes national- socialistes.
Avec l'expansion allemande en Europe puis la Seconde Guerre mondiale, le système concentrationnaire prend une autre dimension.
Les premiers camps dits de « rééducation », deviennent très vite des camps de concentration puis des camps d’extermination.
À partir de 1941, les camps s'intègrent donc dans la mise en place de la "solution finale de la question juive".
Les camps se multiplient, y compris dans les territoires annexés ou occupés : Mauthausen en Autriche, Auschwitz en Pologne, Natzweiler (Struthof) en France…
Cette journée commémorative et Nationale de la Déportation et de la Résistance nous permet chaque année de raviver dans nos mémoires volatiles ce qu’ont vécu nos parents : la guerre, ses nombreuses conséquences, les souffrances, les humiliations, les séparations, le rationnement.
Il est important que l’ensemble des générations garde en mémoire l’ignominie qui s’est abattue sur notre nation et sur l’Europe toute entière. Il est important de maintenir fermement l’exigence de mémoire, qui est une exigence de vérité et de responsabilité. C’est dans cet esprit que notre pays a reconnu en 1995 ce que fut la réalité de son histoire. Ce que furent ses responsabilités.
C’est pour cela que nous devons faire perdurer des journées comme celle-ci pour conserver ce devoir de mémoire qui est aussi un devoir de vigilance.
Le nombre des déportés de France dans les camps de concentration ou d'extermination nazis au cours de la Seconde Guerre mondiale est estimé à plus de 150 000 personnes victimes de mesures de répression (principalement des politiques et des résistants) ou victimes de mesures de persécution.
L’organisation nécessaire pour réaliser en France la déportation a été l’occasion de mobiliser une logistique humaine et matérielle hors du commun.
C’est en particulier dans notre pays que l’administration a fiché puis envoyé vers les camps plus de 75 000 personnes de confession juive sans distinctions de sexe et d’âge, plus de 80 000 personnes, opposants politiques,
homosexuels, étrangers anti-fascistes, tziganes, handicapés rapidement euthanasiés parce que l’administration allemande les trouvaient trop chers à entretenir.
L’administration réquisitionnait autant des prisons que des casernes, des citadelles, des stades, des sanatoriums et même des châteaux pour parquer ces femmes, ces enfants et ces hommes avant de les faire voyager dans des conditions inhumaines, entassés dans des wagons à bestiaux pendant de longues heures, debout sans pouvoir s’accroupir ni s’asseoir .
Leur identité leur était retirée, remplacée par un numéro et une étoile ou un triangle de couleur différente en fonction du motif de l’internement.
Au bout de ce périple, les camps où il fallait travailler, travailler et encore travailler. Travailler jusqu’à la mort lorsque celle-ci n’allait pas intervenir dès votre arrivé dans les camps d’extermination où l’on faisait croire à ces déportés qu’ils allaient prendre une douche alors qu’ils allaient être gazés.
Au total, disparaissent plus de 100 000 déportés partis de France.
Pour que de tels faits ne se reproduisent plus, il importe de ne pas laisser sombrer dans l’oubli les souvenirs et les enseignements d’une telle expérience, ni l’atroce et scientifique anéantissement de millions d’innocents, ni les gestes héroïques d’un grand nombre parmi cette masse humaine soumise aux tortures de la faim, du froid, de la vermine, de travaux épuisants et de sadiques représailles, non plus que la cruauté réfléchie des bourreaux.
Mais aujourd’hui c’est aussi la journée de la résistance. C’est la journée de toutes celles et tous ceux qui, parfois dans l’ombre, ont oeuvré à la reconquête de notre pays, en participant notamment au sabotage des forces ennemies.
Il n’est pas facile d’être résistant, de s’opposer au mal, le mal qui fait peur, le mal qui corrompt, le mal qui surveille, le mal qui fait trahir, le mal qui achète, le mal qui menace, le mal qui tue.
Mais c’est grâce aux résistants, parfois au péril de leur vie, que nous pouvons vivre aujourd’hui dans un pays libre et démocratique.
Celles et ceux qui ont bravé la facilité, leur éventuelle peur, et qui ont décidé de prendre en main leur avenir et celui de leur nation, où qu’ils soient, présentement, je suis sûr qu’ils nous entendent, et je leur dis « MERCI, merci pour ce que vous avez fait, merci pour ce que vous avez été, aucun mot ne pourra exprimer notre fierté, notre humilité et notre reconnaissance pour ce que vous avez entrepris».
Pour conclure je vous propose la lecture d’un chant composé en 1934 par des détenus politiques allemands du camp de Börgermoor (le "camp des marais"), devenu l'hymne commémoratif de tous les anciens déportés après la guerre.
Le Chant des marais
Loin, vers l'infini, s'étendent
Les grands prés marécageux.
Pas un seul oiseau ne chante
Dans les arbres secs et creux.
Ô terre de détresse
Où nous devons sans cesse piocher, piocher !
Dans ce camp morne et sauvage,
Entouré de murs de fer,
Il nous semble vivre en cage,
Au milieu d'un grand désert.
Ô terre de détresse
Où nous devons sans cesse piocher, piocher !
Bruit des pas et bruit des armes,
Sentinelles jour et nuit,
Et du sang, des cris, des larmes,
La mort pour celui qui fuit.
Ô terre de détresse
Où nous devons sans cesse piocher, piocher !
Mais un jour dans notre vie,
Le printemps refleurira,
Libre alors, ô ma Patrie !
Je dirai : tu es à moi.
Ô terre enfin libre
Où nous pourrons revivre, aimer !
Ô terre enfin libre
Où nous pourrons revivre, aimer, aimer.
Vive la liberté, vive la République et VIVE LA FRANCE"
Après cette allocution, j'ai chanté a capella le chant des partisans.
Le chant des Partisans
Paroles: Maurice Druon, Joseph Kessel. Musique: Anna Marly 1943
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne ?
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme.
Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.
Montez de la mine, descendez des collines, camarades !
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades.
Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite !
Ohé, saboteur, attention à ton fardeau : dynamite...
C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères.
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère.
Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves.
Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève...
Ici chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe.
Ami, si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta place.
Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.
Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute...
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne ?
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh...