Je reproduis ci-dessous l'intégralité de l'éditorial d'Auto-Moto d'octobre 2009, la plume étant tenue par Jean Savary. Je partage totalement son point de vue...
"J’ai acheté un aspirateur traîneau, le moins cher du rayon, 40 euros dans un carton à l’enseigne du supermarché. Je cherchais un truc pas trop encombrant. Pour ça, c’est réussi: d’ailleurs, on en ferait tenir deux dans l’emballage...
Pour le reste, une pure cochonnerie. Un bruit de Boeing, une aspiration de pompe à vélo, un sac gros comme le poing (un seul fourni, d’un modèle introuvable dans le commerce) qui laisse passer la poussière dans le filtre, lequel se colmate en moins de 5 minutes, avec odeur de brûlé si vous insistez. L’aspirateur jetable, en fait. Qui ne prend pas trop de place dans la poubelle, c’est son point fort. Avant de le jeter, j’ai regardé d’où il venait. Evidemment made in China, comme tout ou presque ce qui se vend sur la planète. Comme ces radios qui ne tiennent pas un mois dans l’humidité d’une salle de bains, ces jouets dont le plastique devient cassant après un an au soleil, ces chaussettes en pseudo-coton qui donnent des ampoules.
Vous ne trouvez pas choquant que l’on gaspille des matières premières et pollue la planète, fasse travailler des gens et voguer des bateaux pour des bidules en plastique qui ne valent pas la sueur de ceux qui les ont fabriqués?
Ils ne nous vendent pas encore nos voitures, mais cela viendra peut-être. Déjà, depuis deux ou trois ans, je vois des cyclos et des scooters chinois plein les rues de Paris. Ils sont jolis, ces petits engins au style copié sur les vieux Vespa ou Honda, mais pas longtemps: après un an ou deux ans sur le pavé, le faux chrome se pique et se détache par plaques, la peinture se ternit comme si elle était à l’eau, la rouille envahit le cadre, sans parler des câbles de freins baladeurs ou mal sertis, de l’allumage ui prend l’eau, des garnitures de freins qui fondent...
“Mais bon, vu ce que ça coûte...”, m’a confié un propriétaire au feu rouge. Ce que ça coûte? L’abandon de pans entiers de l’industrie européenne, du textile à l’électronique en passant par le jouet et, un jour, peut-être, l’auto mobile. Des millions d’emplois “externalisés” dans la grande fabrique de camelote mondiale.
Au-delà du coût économique et humain, ce qu’il faut voir, c’est l’énorme, l’obscène contradiction entre ce mode de consommation Kleenex que nous impose la mondialisation, et la nouvelle doctrine que nos élites tentent de nous enfoncer dans le crâne: développement durable, économies d’énergie, moralisation de la finance et des échanges, et éthique à tous les étages.
Nous devons limiter, trier et recycler nos déchets, mais pourtant acheter des objets à durée de vie limitée et non réparables. On nous demande de réduire notre “empreinte écologique» et nos dépenses énergétiques, mais on importe par bateau de Chine jusqu’à nos pommes et nos meubles.
Il nous faut “repenser nos modes de consommation”, mais aussi acheter en masse les produits d’une nation où la frénésie productrice et consommatrice, plus que dans l’Occident des Trente Glorieuses, tient lieu de religion.
Nous voulons “mettre l’humain au cœur de l’économie”, achète éthique et équitable, tout en commerçant avec une dictature qui déplace ses populations au gré de ses besoins de main d’oeuvre, muselle ses opposai et opprime ses minorités. Le “libéral-communisme” n’est certes pas le national-socialisme, mais qui osera prétendre que la Chine a quelque chose d’une démocratie?
L’industrie automobile est le dernier bastion qui résiste, et pour cause, c’est aussi le seul qui n’ait pas encore été attaqué. Pour combien de temps encore? Le temps que les constructeurs chinois saturent leur énorme marché domestique? Une chose est sûre, qui ne rassurera que les imbéciles: les voitures chinoises, si elles viennent jusqu’à nous, seront de meilleure qualité que feu mon aspirateur...
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