Les mesures prises, à l’initiative du président de la République, concernant certains membres de la communauté rom en situation irrégulière dans notre pays sont conformes aux règles en vigueur dans l’union européenne et prennent en compte les intérêts des citoyens français. Elles méritent d’être approuvées. Or elles ont déclenché une tempête de réactions excessives, et parfois injurieuses, fondées sur une méconnaissance du sujet et une indifférence aux intérêts légitimes de notre pays. Aussi ces réactions sont-elles désavouées par deux Français sur trois.
Ecartons d’abord la fausse analogie avec le droit d’asile. Ce droit, qui est codifié par des accords internationaux, concerne la demande d’accueil formulée par des personnes qui se trouvent en danger dans leur pays, du fait des violences qui s’y déroulent ou des persécutions politiques mises en œuvre par un régime totalitaire. Tels ont été les cas où la France a par exemple généreusement accueilli, durant mon septennat, deux communautés nombreuses: la communauté cambodgienne, menacée d’extermination parles Khmers rouges, et la communauté chilienne, oppressée par la dictature. Les Cambodgiens sont, pour l’essentiel, restés en France, où ils se sont intégrés à notre société. Les Chiliens sont repartis dans leur pays lorsque la démocratie y a été rétablie. Le problème des Roms en situation irrégulière ne présente aucune analogie avec ces deux exemples. Il s’agit de citoyens d’un Etat démocratique, membre de l’union européenne, et représenté au Parlement européen et à la Commission européenne. Ces citoyens n’ont aucun motif de se prévaloir du droit d’asile. Ils sont tenus de respecter les règles établies pour les séjours des Européens dans d’autres Etats membres.
Ne laissons pas davantage s’établir une confusion trompeuse entre le cas des Roms en situation irrégulière et celui des « gens du voyage» installés dans notre pays. Ces derniers font partie, souvent depuis longtemps, de notre communauté nationale, avec leurs roulottes, devenues des camping- cars, leurs ressources, le plus souvent modestes, et, pour certains d’entre eux, leur pèlerinage annuel aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Comme président, j’ai reçu leurs représentants pour rechercher avec eux des solutions aux difficultés nées de leur option nomade.
Les Roms en situation irrégulière sont des citoyens roumains qui ne respectent pas la réglementation européenne sur la durée des séjours. La liberté de circulation est en effet acquise pour une durée limitée à trois mois, pour laquelle la détention d’un passeport ou d’une carte d’identité européenne suffit Au-delà, pour un séjour de longue durée, les intéressés doivent prouver qu’ils disposent d’un emploi ou de ressources régulières soumises aux prélèvements fiscaux et sociaux normaux. A défaut, ils sont invités à regagner l’Etat d’Europe dont ils sont citoyens. C’est dans cet Etat qu’ils doivent rechercher la solution à leurs problèmes économiques et sociaux. Les tentatives de retour clandestin comme le recours à de multiples séjours de courte durée doivent évidemment être sanctionnés.
La France accueille beaucoup de citoyens roumains en situation régulière, que ce soit dans ses universités ou dans ses professions de santé et de l’industrie. Ils y font montre de grandes qualités intellectuelles et humaines, après le lourd tribut qu’ils ont eu à payer à l’oppression communiste. La France participe largement, à hauteur de 5 milliards d’euros par an, au financement de la ((politique de cohésion», qui a précisément pour objet de rapprocher progressivement le ni veau économique et social des nouveaux Etats membres de celui de la moyenne des pays européens. Elle verrait certainement d’un regard favorable le fait que les gouvernements concernés décident d’affecter une partie de ces crédits à l’amélioration de la situation des Roms.
Par contre, à moins de rechercher par ce biais à dresser l’opinion publique contre l’intégration européenne, la solution du problème ne peut pas résider dans un usage systématique et abusif du droit à la libre circulation. Ce droit répond, par certains côtés, à des aspirations légitimes, mais il recouvre, hélas, des trafics mafieux, dont sont en particulier victimes les femmes et les enfants, et sur lesquels il est coupable de fermer les yeux.
Les donneurs de leçons seraient mieux inspirés si, au lieu de reprocher aux pouvoirs publics français de mettre fin à des situations irrégulières, ils soutenaient les efforts du Parlement européen et du président roumain pour obtenir que la Roumanie se dote d’une justice et d’une police intègres, et pour qu’elle adopte une législation efficace de protection des droits des enfants.
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